Chékéba Hachémi, membre du conseil d’Administration de la Fondation ENGIE et fondatrice de l’ONG Afghanistan Libre, est de celles qui ne lâchent jamais. Depuis vingt ans, elle se bat contre vents et marées pour défendre la cause qui lui tient à cœur : donner une éducation aux filles en Afghanistan, son pays d’origine. Selon l’indice GIWPS, l’Afghanistan est « le pire pays où vivre en tant que femme ». Autant dire que le combat de Chékéba est rude. La Fondation ENGIE est à ses côtés depuis plus de dix ans.

Pourquoi ce combat pour l’éducation des filles afghanes ?

Parce que tout part de l’éducation. C’est le pilier à partir duquel tout se construit. C’est aussi la meilleure arme contre l’obscurantisme. Les jeunes filles, une fois formées, imposent une nouvelle façon de voir à l’ensemble de sa communauté. Elles ne pourront plus jamais se taire. On ne pourra plus les cloitrer, même si les Talibans reviennent. Chaque pas gagné par l’éducation des filles est un pas gagné contre l’obscurantisme… sans retour arrière possible. Ca mérite le combat, non ?

Pouvez-vous nous parler de votre programme « classes digitales » ?

Il s’agit de former des jeunes filles (15-17 ans) aux métiers du numérique, dans des zones rurales éloignées. Pour ce faire, nous avons ouvert des salles digitales dans cinq écoles des provinces du Panjshir et Kaboul. Sur le papier, c’est un projet fou. Ouvrir des salles digitales dans des villages sans électricité, dans l’un des pays les plus dangereux au monde, dans des provinces où seules 28% des filles ont accès à l’enseignement secondaire : rien ne colle ! On ne rentre pas dans les tableaux excel des financeurs de projets… J’en suis d’autant plus reconnaissante à la Fondation ENGIE de nous avoir accompagné(e)s dès le début. Bien sûr, le projet n’aurait pas pu se faire sans la complicité des villageois, que nous avons gagnée petit à petit, au fil des années. Nous sommes implantées là-bas depuis vingt ans, ça paie ! Aujourd’hui, les résultats sont là. Mille filles sont formées chaque année. Et j’espère que la formation sera bientôt reconnue comme diplômante par l’Etat. En tout cas, je fais tout pour.

Quels ont été les effets de la crise sanitaire ?

Chez nous, en Europe, le confinement est un luxe qu’on peut se permettre. En Afghanistan, la donne n’est pas la même. Ici, tu travailles chaque jour pour nourrir ta famille. Si tu restes confiné, tu risques de mourir de faim avant de mourir de la Covid. Notre premier but a donc été de continuer à payer nos profs, même si les écoles fermaient. Pour ce faire, on a très vite décidé de créer des ateliers de fabrications de masques animés par les professeurs. Encore une fois, la Fondation ENGIE a répondu présent et nous a aidé à les financer.

Bien sûr, la crise a aussi eu un effet sur le nombre d’élèves formées. Seules 300 jeunes filles sont passées par le cursus digital, trois fois moins que d’habitude. Mais ces 300 jeunes filles ont porté un message neuf à l’ensemble de leur communauté. Bref, elles ont « essaimé » bien au-delà des murs de l’école… n’en déplaise aux Talibans !