Pour agir en faveur de la biodiversité la Fondation ENGIE s’appuie sur des experts

Gilles Bœuf, Professeur émérite à Sorbonne Université, membre du Conseil scientifique de ‘Office Français de la Biodiversité (OFB), Président du Centre d’étude et d’expertise sur le bio-mimetisme (CEEBIOS), administrateur de la Fondation ENGIE.

« Traitons la question de la biodiversité sur le même plan que la question du changement climatique. L’urgence est toute aussi forte et les deux sont liées »

Administrateur de la Fondation ENGIE, Gilles Boeuf est spécialiste de physiologie environnementale et de biodiversité. Professeur émérite à Sorbonne Université (Université Pierre et Marie Curie, UPMC), affecté à l’Observatoire Océanologique de Banyuls après avoir passé 20 ans à l’IFREMER de Brest (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer). Il a été Président du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), entre 2009 et 2015. Il a également été professeur invité au Collège de France pour l’année universitaire 2013-2014, sur la Chaire « Développement durable, énergies, environnement et sociétés » et avait alors dédié son enseignement aux interactions biodiversité et humanité. Il a été deux années conseiller scientifique au cabinet de la ministre de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer. Il est aujourd’hui membre du Conseil Scientifique de l’Office français de la Biodiversité, professeur visitant à AgroParisTech et président de la SCIC CEEBIOS, dédiée au biomimétisme. Il a reçu en 2013 la Grande Médaille Albert 1er de Monaco pour l’ensemble de sa carrière, dédiée aux mers et à l’océan. Il est Conseiller régional Nouvelle-Aquitaine, en charge du programme «One health : une seule santé».

Quel regard portez-vous sur la biodiversité ?

Un regard alarmé et alarmiste….Ce début du XXIe siècle est marqué par l’effondrement du nombre des individus vivants dans les populations naturelles sauvages. C’est est un fait scientifique majeur. Prenons un exemple : en 18 ans, nous avons perdu 30 % d’oiseaux dans certains territoires agricoles.

Or, aujourd’hui, les débats et l’attention du Grand public sont focalisés sur le climat.

Le changement climatique affecte le vivant, tout le monde le reconnaît. On oublie la chose inverse : le vivant qui s’en va affecte, en retour, le climat. La surpêche amoindrit les capacités de l’océan à stocker du CO2. Alors même que les océans stockent environ 30 % du carbone que nous émettons en excès. Climat, vivant : même combat ! C’est la disposition d’esprit qu’il faut avoir.

Quelles raisons expliquent l’effondrement de la biodiversité et quelles sont les menaces ?

La destruction pure et simple des écosystèmes est la première menace pour le vivant. Elle est responsable des deux tiers de l’érosion de la biodiversité. C’est ce qu’on appelle l’artificialisation des sols, l’urbanisation ou la destruction du littoral.

La seconde menace est la contamination et la pollution, dans laquelle l’agriculture a sa part de responsabilité. Nous avons tué la moitié des sols de cette planète. Nous sommes passés à 8 milliards d’êtres humains dans les dernières semaines. Comment nourrir cette population avec des sols morts ? C’est impossible. Il faut y remettre du vivant.

Troisième menace : la dissémination des espèces est une menace pour le vivant. Beaucoup d’espèces sont transportées. Au niveau marin, les coques et les ballasts de bateaux charrient des espèces, à travers toutes les mers. Ou alors, elles ont été volontairement introduites pour la pêche et colonisent

les cours d’eau. Les silures originaires d’Europe de l’Est mangent par exemple les petits saumons, des aloses et les esturgeons.

La surexploitation est la quatrième menace sur la biodiversité. L’exemple des forêts tropicales est typique. En l’état actuel des connaissances, elles contiennent plus de la moitié des espèces vivantes connues sur Terre. Et elles partent à peu près à la vitesse de la surface de la Grande-Bretagne chaque année. Ces grands bassins de biodiversité se comptent sur les doigts de la main. Il y a le bassin du Congo en Afrique, l’Amazonie et les grandes îles de Papouasie-Nouvelle-Guinée et de Bornéo. La surexploitation concerne les pêches maritimes aussi : l’humain prend plus que ce que la nature est capable de renouveler. C’est une des propriétés du vivant, être renouvelable. Mais le drame actuel est que nous dépassons les seuils de renouvelabilité naturelle de la Terre. Il faut pêcher, oui, mais la surpêche est stupide. Avec l’aquaculture, cela représente un peu plus de 200 millions de tonnes par an, malgré des stocks de plus en plus pressurés. Les pêches illégales sont massivement pratiquées.

Cinquième menace : l’évolution beaucoup trop rapide du climat. Je ne mets pas le climat en première cause de l’effondrement du vivant. Mais cela pourrait devenir important. … Bactéries, virus, champignons, plantes, animaux… Il y a une migration générale vers le nord dans l’hémisphère nord,

et vers le sud dans l’hémisphère sud. C’est lié à la température de la masse d’eau, à celle de l’air mais aussi au manque d’eau. Le moustique tigre a gagné 22 départements en France cette année, vers le nord, ce qui provoque une hausse des cas de dengue.

Quelles mesures prendre ?

L’Europe est plutôt plus avancée que le reste du monde sur les questions environnementales.

Les politiques ne datent pas d’hier : il y a la directive-cadre sur l’eau, celle sur les oiseaux, tous les projets Natura 2000… mais, elle est parfois frileuse, comme sur les pesticides. Il faut bouger un peu plus et penser aux externalités. Les pesticides ont des conséquences sur la biodiversité et nous n’en avons jamais consommé autant. Le problème, c’est aussi de trouver une gouvernance. Une gouvernance internationale sur ces sujets est complexe à mettre en œuvre.

Qu’attendez-vous des actions menées par la Fondation ENGIE ?

La Fondation ENGIE est déjà très active sur les questions du climat et de la biodiversité. Nous avons eu l’opportunité d’analyser divers projets ces dernières années et nous devons continuer. Aujourd’hui, ces questions sont essentielles pour le bienêtre et le futur de nos concitoyens et c’est bien sûr le rôle de notre Fondation que d’y contribuer sur de solides bases scientifiques. Les moyens alloués doivent être conséquents et bien ciblés. Les relations établies avec l’Office Français de la Biodiversité et le Muséum National d’Histoire Naturelle sont essentielles.

Allain Bourgain Dubourg, Président de la Ligue pour la Protection des Oiseaux et du Conseil d’Orientation Stratégique de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB), Administrateur de la Fondation ENGIE.

Pionnier en matière d’engagement environnemental, pendant plus de 30 ans, Allain Bougrain Dubourg présente des émissions animalières à la télévision et à la radio notamment sur France Télévision, France Inter puis RTL. Producteur et réalisateur de nombreux documentaires animaliers, il vient de publier un « Dictionnaire amoureux des oiseaux ». Figure inspirante, il a contribué à faire de l’écologie un sujet grand public. Administrateur de la Fondation d’entreprise ENGIE, il participe aux choix des projets portés

Vous appelez à une meilleure prise de conscience du vivant et à un nécessaire changement de comportement des humains.

Le récent appel des « 15 000 scientifiques pour la planète » a pointé deux causes évidentes qui expliquent le déclin du vivant : la surpopulation sur une planète aux ressources limitées et une agriculture intensive.

Dans les deux cas, on constate que l’idée du respect du vivant demeure secondaire, voire inappropriée par rapport aux objectifs productivistes. Il faut en finir et considérer que notre posture dominante sur terre ne doit pas nous exonérer du respect que l’on doit aux autres espèces. Je dirais même que notre statut nous oblige à la compassion. On ne peut ajouter la souffrance inutile à la nécessité de tuer ! En ce début de 21ème siècle, une prise de conscience semble se dessiner mais les lobbyings rétrogrades conservent une puissance de résistance qui recule l’échéance du changement. Ce dernier se fera pas à pas, secteur par secteur, sur pression de l’opinion publique. Le domaine de la consommation peut être déterminant dans cette démarche, c’est pourquoi il faut se battre pour une véritable traçabilité incluant le bien-être animal.

Au fond, chaque citoyen a le pouvoir du changement…Pour citer Pascal: « l’intuition du coeur conduit à la raison ».

Qu’attendez-vous des actions d’une Fondation, comme la Fondation ENGIE ?

En premier lieu, le soutien de la Fondation pour un projet est une reconnaissance de sa valeur et des acteurs qui la portent. Il permet évidemment de développer l’ambition de l’action grâce aux budgets accordés. Il tisse enfin un lien entre les bonnes volontés qui animent la société. Je suis particulièrement sensible à l’ investissement de la Fondation ENGIE dans la préservation de la biodiversité qui souffre du manque d’attention, comparativement à la question climatique. Le secteur de l’éducation sur ce thème me parait prioritaire.