L’émergence de notre genre (le genre Homo) et celle de nos cousins, les Paranthropes, il y a 2,8 millions d’années s’accompagne d’un changement progressif du climat. L’ensemble de nos connaissances sur cette période provient de deux zones géographiques bien distinctes, l’Afrique de l’Est avec des sites de plein air et l’Afrique du Sud avec des dépôts karstiques. Ces données sont actuellement trop parcellaires pour faire le lien entre ces deux régions d’importance, tant les dépôts sédimentaires et archéologiques diffèrent.

Le projet HOPE.Z a pour objectif de documenter la relation entre ces deux régions, en menant pour la première fois une campagne de prospections de gisements fossilifères datés entre 3 et 1 millions d’années dans deux régions du Zimbabwe, dans un cadre international et interdisciplinaire. Ces résultats permettront une meilleure comparaison des données entre l’Afrique de l’Est et du Sud et offriront un regard nouveau sur les paléoenvironnements et le climat dans lesquels ont évolué nos ancêtres en Afrique et en particulier au Zimbabwe. Enfin, l’étude des outils en pierre que façonnaient et utilisaient ces populations préhistoriques nous permettra de mieux comprendre leurs adaptations culturelles face aux changements environnementaux.


Interview avec Sandrine PRAT & Raphaël HANON

1) En quoi votre travail et vos recherches permettent de mieux comprendre et/ou d'agirsur ces enjeux fondamentaux liés au dérèglement climatique et/ou à la préservation de la biodiversité auxquels nous sommes confrontés ?

L’évolution et la survie d’une espèce sont directement liées à son écosystème. L’étude de la biodiversité des populations du passé et notamment des apparitions et des disparitions d’espèces est cruciale pour comprendre l’impact des modifications des écosystèmes sur l’évolution humaine. En étudiant ces dynamiques évolutives, il est possible de mieux comprendre les processus d’adaptations des espèces face aux changements climatiques. De ce fait, cela permet de bien caractériser ce qui relève de l’impact des activités humaines, notamment en termes de facteur de dérèglement, sur l’environnement et le climat. En effet, une rétro-observation sur les populations du passé présente une clé de lecture importante concernant les problématiques de préservation des écosystèmes dont l’équilibre est menacé par le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité.

2) Le Congrès mondial de la Nature s'est tenu début septembre, y a-t-il un message fortporté par cet événement qui vous a marqué ou des conclusions que vous jugez utiles deretenir ?

Plusieurs messages forts portés par le Congrès mondial de la Nature peuvent être retenus.
Le premier est que changement climatique et protection de la biodiversité doivent être pensés ensemble. Les crises climatiques et la perte de la biodiversité sont étroitement liées et se renforcent mutuellement. Le second message est que nous sommes dans une zone
forte de turbulence, cela va au-delà d’une notion de crise (qui peut être perçue comme temporaire) et qu’il faut placer la protection de la biodiversité au sein des politiques économiques. Malheureusement, un des chiffres importants de ce Congrès est que seulement 3% du budget mondial alloué à la reprise économique sera bénéfique pour la nature. À l’inverse, 17% de ce même budget pourrait avoir un impact néfaste sur l’environnement et la biodiversité. Ces chiffres montrent qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant d’atteindre un système économique responsable et conscient de son impact sur la nature. Nous sommes à une étape cruciale de l’avenir de la planète, car si des décisions fortes ne sont pas prises aujourd’hui, un retour à une situation stabilisée ne sera pas possible.

3) Pouvez-vous nous donner des raisons d’espérer et de nous dire que nous pouvons encore agir face à ces dérèglements ?

Depuis quelques centaines de milliers d’années, l’espèce Homo sapiens a su faire preuve d’une capacité d’adaptation telle qu’elle a été en mesure d’occuper l’ensemble du globe, jusqu’aux régions les plus inhospitalières. Mais même si au cours du temps, l’espèce humaine a su faire face à divers changements environnementaux et a su faire preuve de résilience, elle reste, comme tout être vivant, tributaire de son écosystème pour survivre. L’un des messages du Congrès mondial de la Nature est que la préservation de la biodiversité passe par l’éducation. Cela se traduit par une évolution des mentalités et une prise de conscience collective. Bien qu’ils puissent paraître lents, ces changements progressifs constituent un motif d’espoir.