La conservation de la biodiversité convoque différents enjeux, des enjeux naturalistes mais aussi enjeux des sociaux. En effet, certains milieux réputés naturels résultent, de fait, de la combinaison de conditions mésologiques et de pratiques humaines passées ou présentes. C’est le cas des landes littorales à éricacées de La Hague. Ces milieux se sont développés sur des sols oligotrophes battus par les vents où des pratiques agro-pastorales ont limité l’implantation de fourrés. La conservation du bon état écologique de ces habitats demande d’entretenir ces espaces. Le pâturage semble être, théoriquement, la manière la plus adéquate de le faire ; mais sa mise en œuvre se heurte à la difficile articulation entre objectifs naturalistes et impératifs agricoles. De plus, la définition usuelle des landes met en exergue des paysages naturels remarquables dont le caractère repose moins sur l’intérêt naturaliste ou agricole que sur l’absence de signes apparents de gestion. Ces paysages sont ainsi le support de développement de loisirs dit « de nature ». Ainsi, la conservation de cet habitat nécessite d’articuler enjeux environnementaux et enjeux sociaux.

Le projet LANDES vise donc à saisir, à partir d’une situation concrète, les représentations, les pratiques et les attachements propres à chaque groupe d’acteurs impliqué dans la gestion de ces milieux. Ce faisant, nous analyserons, au-delà de la pensée savante, l’intrication de ce qui relève de la Nature et de ce qui est attribué à la Culture, dans les relations que les groupes sociaux entretiennent à leur environnement.


Interview avec Richard RAYMOND

1) En quoi votre travail et vos recherches permettent de mieux comprendre et/ou d'agir sur ces enjeux fondamentaux liés au dérèglement climatique et/ou à la préservation de la biodiversité auxquels nous sommes confrontés ?

La conservation de la biodiversité se heurte fréquemment à différents enjeux sociaux. Ainsi, le récent rapport conjoint de l’IPBES et de l’IPCC publié le 10 juin 2021 et intitulé « Scientific Outcome of the IPBES-IPCC co-sponsored workshop on biodiversity and climate change » met en exergue les synergies possibles entre les réponses aux crises environnementales. Il pointe également l’intérêt de reconsidérer les formes de gouvernance pour engager une approche holiste des rapports à l’environnement. De la même manière, les obligations réelles environnementales introduites par la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (art. L. 132-3 du code de l’environnement) dépendent très largement de l’ajustement des pratiques humaines avec des objectifs écologiques. Le projet LANDES vise alors à saisir, à partir d’une situation concrète, les fondements cognitifs (valeurs, savoirs et représentations) et pratiques (usages de ces espaces) des enjeux environnementaux et sociaux de la gestion des landes littorales. Ainsi, il s’agit de révéler l’intrication de ce qui relèverait de la Nature et de ce qui est attribué à la Culture, dans les relations que des groupes sociaux entretiennent à leur environnement. Il sera alors possible de rechercher des modalités d’articulation de ces enjeux sociaux et environnementaux pour répondre, à l’échelle des territoires, aux défis que posent les changements globaux.

2) Le Congrès mondial de la Nature s'est tenu début septembre, y a-t-il un message fort porté par cet événement qui vous a marqué ou des conclusions que vous jugez utiles de retenir ?

Ce que je retiens de ce Congrès est l’engagement de nombreux acteurs, appartenant à des sphères d’action très différentes (États, ONG, entreprises, citoyens, recherche et enseignement, etc.) autour de la recherche de solutions pour répondre à un défi commun.

3) Pouvez-vous nous donner des raisons d’espérer et de nous dire que nous pouvons encore agir face à ces dérèglements ?

L’engagement des différents acteurs présents au Congrès mondial de la Nature ou dans son environnement proche, l’engagement de celles et ceux qui auraient souhaité venir mais qui ne l’ont pas pu, l’engagement des personnes qui ne sont pas venues parce qu’elles estiment qu’il faut aller encore plus loin, encore plus vite face à l’urgence de la crise environnementale, etc., tous ces engagements sont sources d’espoir.