Dans les pays émergents, l’urbanisation est associée à une diminution de la dénutrition et de la mortalité par les maladies infectieuses, notamment chez les enfants. En revanche, elle expose aussi les populations urbaines à une alimentation plus énergétique et transformée et à des polluants allergènes et cancérogènes en augmentation. Or, l’effet de ces facteurs sur la mortalité adulte demeure peu étudié dans ces pays, même si certains travaux récents en Asie alertent sur un possible milieu urbain plus létal pour les adultes que les milieux ruraux. Le projet TRANSITIONS s’intéresse à cette question sur le continent africain où des pays comme le Sénégal vivent pleinement ces transitions nutritionnelles, épidémiologiques et démographiques, conjointement impulsées par cette dynamique environnementale d’urbanisation rapide. Ces transitions sont associées à une forte morbidité cardiométabolique et cancérologique en ville associée à des niveaux encore hauts de dénutrition et d’états infectieux graves, conduisant à une situation de santé publique inédite : un double fardeau des pathologies préindustrielles infectieuses et postindustrielles chroniques auxquelles doivent faire face les nations en voie d’urbanisation.

L’objectif du projet interdisciplinaire TRANSITIONS consiste par l’analyse de données démographiques, épidémiologiques et socioanthropologiques à évaluer comment une telle mutation des modes de vie agit sur la santé globale de la population sénégalaise. Pour ce faire, on identifiera les groupes les plus touchés par cette dynamique, en fonction de leurs environnements, de leurs normes socioculturelles et de leurs pratiques alimentaires pluriels.


Interview avec Emmanuel COHEN & Samuel PAVARD

1) En quoi votre travail et vos recherches permettent de mieux comprendre et/ou d'agir sur ces enjeux fondamentaux liés au dérèglement climatique et/ou à la préservation de la biodiversité auxquels nous sommes confrontés ?

De manière indirecte, notre recherche permet de rendre compte de l’adaptabilité du mode de vie urbain, en expansion sur toute la planète, sur la santé des populations humaines. Questionner l’adaptabilité de cet environnement urbain pourrait conduire à des politiques alternatives favorisant des modes de vie moins productivistes/consuméristes au sein d’environnements urbains moins édifiés technologiquement. Ceci peut avoir indirectement des effets positifs sur le réchauffement climatique, largement impulsé par l’anthropisation générale des milieux.

2) Le Congrès mondial de la Nature s'est tenu début septembre, y a-t-il un message fort porté par cet événement qui vous a marqué ou des conclusions que vous jugez utiles de retenir ?

Le message fort pour nous est le caractère urgent et global de la réponse face à la crise environnementale grandissante à laquelle nous sommes tous confrontés.

3) Pouvez-vous nous donner des raisons d’espérer et de nous dire que nous pouvons encore agir face à ces dérèglements ?

Il nous faut, selon nous, repenser le rapport que nous entretenons avec la nature et le corps humain – qui est en lui-même une expression de la nature parmi d’autres. Agir conjointement sur les effets néfastes d’une urbanisation productiviste et consumériste grandissante sur les écosystèmes et sur le bien-être des populations humaines – one health/global health – pourrait être la clé de notre salut.